Gouvernance
ERP et agilité, enfin possible ?
Par La rédaction, publié le 10 août 2020
La mise en œuvre d’un ERP est généralement synonyme de waterfall ou cycle en V. Or ces projets, qui dans les grands groupes atteignent des dizaines de millions d’euros, connaissent des dérapages quasi-systématiques.
Par Thierry Cartalas, Associé, TNP Consultants
et Rémi de Gaudemaris, TNP Consultants
L’agilité, en plus d’apporter aux utilisateurs d’une solution plus de valeur plus vite, est censée garantir une meilleure maîtrise des coûts d’implémentation. Les éditeurs proposent d’ailleurs de plus en plus d’outils favorisant l’agilité de leur solution.
L’agilité sur un projet ERP semble désormais possible, mais comment procéder concrètement ?
La proposition de valeur des éditeurs
Nos retours d’expérience montrent qu’il est possible de paramétrer et livrer un ERP de manière itérative pour faire la démonstration d’incréments à un rythme adapté. SAP propose d’ailleurs deux versions d’Activate, sa méthode d’implémentation. L’une en waterfall, l’autre agile, reprenant les concepts phares du framework Scrum.
Mais la proposition de valeur des éditeurs ne s’arrête pas au cadre méthodologique. Ils mettent à disposition de leurs clients un outillage complet, le plus souvent sans coût additionnel. Ces « enablers » facilitent l’adoption de pratiques proches du DevOps et sont autant de leviers d’agilité puisqu’ils contribuent à réduire le time-to-market des configurations et développements.
Un retrour d’expérience Agile
De grands groupes ont adopté l’agilité pour la maintenance de leur ERP. C’est le cas d’un acteur français de l’énergie opérant des environnements SAP parmi les plus importants au monde. Cet énergéticien a confié la MCO de la solution supportant son processus meter-to-cash à quatre équipes de développement travaillant au rythme de 18 itérations par an.
Mais si les entreprises adoptent de telles pratiques pour le run de grandes plateformes, qu’en est-il du build ?
Refactoring et Robotisation
La mise en œuvre d’un ERP dans une entreprise adresse un périmètre fonctionnel large et le besoin d’intégration dans le SI est important. La solution est donc interfacée avec de nombreuses applications satellites, source exponentielle de refactoring des développements.
Par définition, dans une démarche agile, le périmètre varie à mesure que se précise le besoin. Être agile, c’est accepter ces fluctuations de périmètre et toutefois en maîtriser les conséquences. Le coût de « rework » sur les interfaces doit être contenu par l’automatisation extensive des tests d’intégration et de non-régression.
Le Custom Code à l’ère du Cloud
Un ERP, c’est un modèle de données complexe sur lequel sont construits les programmes qui soutiennent les processus d’une entreprise. Les programmes spécifiques développés sur la solution augmentent son TCO, et la dette technique ainsi constituée devient progressivement un frein à l’agilité.
Pour contenir cette dette technique à un niveau acceptable, le projet doit prévoir une « design authority » garante de l’adoption des standards du progiciel et de la mise en place d’architectures faiblement couplées rendues possibles par le cloud. Le développement sur des moteurs de workflow de fonctionnalités du parcours client ou utilisateur peut par exemple être préféré au custom code ABAP de SAP. Il fait appel aux ressources exposées par API et ne met donc pas en risque l’intégrité du modèle de données.
Acquisition de compétences et passage à l’échelle
Un ERP agile requiert une nouvelle génération de compétences hybrides. Le développeur doit par exemple acquérir la compétence métier permet-tant de challenger la conception du data scientist, l’exploitant devenant pour sa part un véritable roboticien.
Les frameworks agiles classiques, s’ils fonctionnent à l’échelle d’un projet, ne permettent pas de coordonner efficacement les travaux de talents nombreux aux savoir-faire variés. L’enjeu est alors l’adoption de pratiques agiles à l’échelle de l’organisation. Notons qu’il existe des tentatives de faire converger méthodologies d’implémentation d’ERP et frameworks d’agilité à l’échelle, c’est le cas chez SAP avec Activate et Safe.
La pratique de l’agilité dans les grandes entreprises semble avoir atteint une maturité suffisante pour envisager un ERP agile, dont les bénéfices sont un surcroît de valeur pour le métier et une maîtrise accrue du TCO et des risques. Cet objectif d’agilité à l’échelle ne pourra toutefois être atteint que dans la mesure où les organisations sauront se doter de chaînes d’automatisation performantes et s’adjoindre les compétences nécessaires, quitte à remettre en cause le modèle industriel des grands intégrateurs.
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